par Daphné Morin
Le 9 avril dernier, la Section d’études hispaniques de l’Université de Montréal a eu le plaisir d’accueillir la professeure Rita M. Palacios, coautrice du livre Unwriting Maya Literature: Ts’íib as Recorded Knowledge. Sa conférence, intitulée Poesía maya contemporánea: una mirada desde el ts’íib, était présentée dans le cadre du cours de Littérature de l’Indépendance de la professeure Olga Nedvyga, qui a généreusement ouvert les portes de sa classe virtuelle à tous les intéressés.
Au cours de sa présentation d’une heure, la professeure Palacios s’est appuyée sur ses recherches auprès des communautés mayas pour inviter l’assistance à remettre en question sa définition du concept de littérature. On tend encore, dans la tradition occidentale, à ne qualifier de “littéraires” que les œuvres dont le support est basé sur l’écrit. Or, affirmait la conférencière, la littérature autochtone peut se présenter sous bien d’autres formes : notamment, les paniers d’osier, les ceintures wampums, les parchemins d’écorce, les masques de calebasse, ou encore les tejidos.
Madame Palacios a ensuite souligné que les traditions mayas étaient non seulement hautement diversifiées, mais également millénaires, c’est-à-dire de beaucoup antérieures à l’invasion européenne du territoire américain. Elle qualifiait ainsi d’arbitraire le fait que l’écrit ait depuis lors été considéré comme l’expression suprême du pouvoir et de la culture. Son objectif, comme chercheuse, est de considérer de nouvelles possibilités et de faire descendre l’écriture du piédestal sur lequel on l’a placée.
La conférencière a donné pour exemple le huipil, une blouse richement brodée que portent de nombreuses femmes autochtones en Mésoamérique. On estime que les patrons des broderies qui ornent cette pièce de vêtement ont été élaborés il y a 1200 ans. Madame Palacios disait donc que de tisser une œuvre aujourd’hui en se réappropriant l’un de ces modèles, c’était de citer une œuvre antérieure – voire, ajouterions-nous, de nombreuses œuvres appartenant à toute une tradition. La poétesse kakchiquel Negma Coy aurait d’ailleurs dit du huipil qu’il s’agissait d’un poema abrazable, soit d’un poème que l’on peut étreindre.
Un huipil. Image tirée de Wikimedia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Huipil,_Kaqchikel_Maya,_Tecpan,_late_20th_century,_cotton_and_acrylic_-_Textile_Museum_of_Canada_-_DSC01302.JPG).
Parmi les autres artistes présentés lors de la conférence, citons le poète k’iche Humberto Ak’abal, dont la composition Camino al revés a été réinterprétée à travers différents médiums par plusieurs autres créateurs. On pense entre autres à Ángel Poyón qui, avec son œuvre conceptuelle De vez en cuando, camino al revés, récupère visuellement toute la réflexion sur les notions du temps et de la mémoire impliquée dans les vers d’Ak’abal.
Capture d’écran tirée de la plateforme Twitter; gazouillis public de la professeure Palacios montrant l’œuvre De vez en cuando, camino al revés d’Ángel Poyón.
Somme toute, le public a pu retirer de cette conférence des considérations fondamentales pour questionner les préjugés coloniaux qui subsistent dans les sphères de la culture et du savoir. La chercheuse invitée a conclu sa présentation en proposant à son auditoire de laisser les autrices et auteurs qu’ils étudieraient s’identifier eux-mêmes; car n’y a-t-il pas une forme de marginalisation dans le fait d’étiqueter comme “autochtones” des écrivaines et écrivains qui considèrent parfois qu’ils appartiennent simplement à la littérature contemporaine?
* Ce compte-rendu constitue un résumé et une réappropriation des propos de la professeure invitée lors de l’événement relaté. L’autrice, tout en ayant pris l’engagement personnel de demeurer fidèle à la vision exposée par la conférencière, prend l’entière responsabilité du contenu rapporté entre ces lignes.